L’identité personnelle

CONSCIENCE, INCONSCIENT, LIBERTE : la question de l’identité personnelle

Question de départ : Qui êtes-vous ?

Réponses possibles :

  • Je suis Louise Clary, jeune femme de 26 ans … = état civil
  • Professeure de philosophie au lycée… = statut social
  • Celle qui se tient en face de vous, avec des cheveux châtains … = caractéristiques physiques
  • Une fille plutôt optimiste, pas très timide, curieuse… = caractéristiques psychologiques

Tous ces éléments sont-ils suffisants pour définir ce qui me caractérise en propre, ce qui fait que je suis une seule et même personne à travers le temps ? Y a-t-il vraiment un support qui me permet de dire « je » à propos de moi ?

Pour tous les éléments mentionnés pour constituer mon identité, on peut voir que ce sont des caractéristiques arbitraires et changeantes. Certes, ces éléments sont indispensables pour la vie sociale, car je dois pouvoir être connu et reconnu par autrui, mais est-ce vraiment ce qui me définit ? Mon nom m’a été donné arbitrairement (mes parents l’ont choisi, mais auraient pu en choisir un autre), mon âge change sans cesse, mon statut social peut évoluer, mon physique change avec le temps (je vieillis), mon caractère évolue au cours de ma vie et avec mon expérience… Rien ne semble donc assez stable pour me définir vraiment, et pourtant je sais que je suis unique. Même si on prend mon génotype (l’ensemble de mes gènes, transmis par mes deux parents), on peut voir que non seulement tous les gènes ne s’expriment pas dans mon phénotype, mais aussi que mes gènes peuvent s’exprimer différemment en fonction de mon environnement et de mon mode de vie (branche étudiée par l’épigénétique).

Ainsi, à première vue, la réponse à la question « qui suis-je ? » semblait évidente, mais en fouillant un peu, on s’aperçoit qu’elle ne l’est pas vraiment.

  • Question : Puis-je répondre à la question « qui suis-je ? »
  • Problématique : si, au quotidien, je n’ai aucun doute sur mon identité, puis-je vraiment trouver un élément stable qui me permette de me reconnaître, voire de me connaître, à travers le temps comme une seule et même personne ?

Dans cette vidéo de la série Sense 8, les personnages se posent, chacun à leur tour, la question de leur identité.

Plan du cours : 

  • Les éléments qui m’assurent que je suis une personne unique sont nombreux et assez évidents
  • Cependant, ces éléments sont fragiles et ne permettent pas vraiment de définir mon identité personnelle
  • Artificielle ou non, l’identité du moi est indispensable pour fonder la responsabilité de nos actes

I) Les éléments qui m’assurent que je suis une personne unique sont nombreux et assez évidents

A) Je sais qui je suis en me regardant dans le miroir (le critère de l’image de soi)

 Pour savoir qui je suis, il est nécessaire que je prenne conscience de moi-même et que je me distingue des autres hommes et des choses autour de moi. Prendre conscience de soi, c’est se représenter comme un sujet unique face aux autres sujets et aux objets qui l’entourent.

Cette prise de conscience passe d’abord par la capacité à se reconnaître dans le miroir. Avant 18 mois, lorsqu’un bébé regarde dans un miroir, il ne sait pas que c’est lui-même qu’il voit. Il croit que son image est un autre bébé. C’est à 18 mois qu’il apprend à se reconnaître dans sa propre image. Certains animaux (grands singes, dauphins, éléphants) sont aussi capables de se reconnaître.

Ainsi, je peux savoir qui je suis en me regardant dans le miroir, cad par le biais de l’image et de la représentation de soi.

Dans le domaine artistique, la peinture est un jeu avec les images. Un portrait a pour but de donner une certaine image de celui qui est représenté (expl : Portrait de François 1e par Clouet : représentation d’un  homme de pouvoir). Cf vidéo youtube Muséonaute « Le portrait à la Renaissance »

Travail sur l’autoportrait : lorsqu’un peintre se peint lui-même, cela lui permet d’exercer ses techniques sans avoir besoin d’un modèle extérieur, mais cela lui permet aussi d’extérioriser et de rendre publique une certaine image de soi

Quelques expl classiques d’autoportraits :

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Rembrandt, Autoportrait au béret (1659)

Jeu des représentations sociales dans les autoportraits de Rembrandt : au cours de sa vie, Rembrandt a réalisé, pour des raisons sociales et financières (pas besoin de payer un modèle), une centaine d’autoportraits. Parfois, il se met en scène, parfois il se représente vieillissant avec beaucoup de sincérité, comme sur cet autoportrait datant de 1659.

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Vermeer, L’art de la peinture (1666)

Dans ce tableau, l’artiste se représente lui-même de dos en train de peindre. On le voit face à son modèle et à sa toile. Le spectateur est immergé dans la scène.

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Van Gogh, Autoportrait (1887)

Travail d’introspection de Van Gogh : Van Gogh se représente lui-même plusieurs fois au cours de sa vie, et montre au spectateur ses sentiments et ses souffrances. Il se montre dans son humanité  et ses tourments. Ici, il se montre sans complaisance, les yeux perçants. La souffrance se voit à travers les expressions du visage et à travers les traits accentués et les couleurs complémentaires (bleu/orange).

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Kahlo, Autoportrait au collier d’épines (1940)

Extériorisation de la douleur chez Frida Kahlo : suite à un accident dramatique, la peintre a dû surmonter une vie de douleurs corporelles intenses. Pour extérioriser ses souffrances, elle a utilisé la forme de l’autoportrait à de nombreuses reprises. Ici, on la voit avec un collier d’épines, rappelant le martyr du Christ, un colibri symbole d’amour mais mort autour du cou, un chat noir évoquant le malheur, et des papillons symboles de l’espoir.

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Picasso, Autoportrait (1906)

Parcours personnel et manifestation d’un acte politique (résistance de l’art et de la peinture aux pressions politiques) pour Picasso. Ici, on voit le peintre avec sa palette, dans un style cubiste, avec une expression neutre. Ce que Picasso veut montrer, ce n’est pas son état d’âme mais son statut de peintre et sa volonté de proposer de la nouveauté en peinture.

Pour compléter la réflexion sur l’autoportrait en peinture :

La tradition artistique de l’autoportrait se retrouve aussi en photographie, où l’image de soi donnée par l’artiste est plus réaliste.

Quelques expl :

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Maier, Autoportrait (1955)

La photographe américaine Vivian Maier a pris un très grand nombre d’autoportraits, souvent pour s’amuser et non pour donner une image glorifiante d’elle-même. Ici, rappelant le tableau Les Ménines de Velasquez, la photographe joue avec un miroir pour se prendre en train de photographier.

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Warhol, Autoportrait (1986)

Warhol, inventeur du mouvement artistique du Pop art, joue avec sa propre image pour montrer que l’art ne doit pas être séparé de la culture populaire. Ses oeuvres, produites en séries, évoquent la société de consommation et font penser aux techniques de la publicité.

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Hockney, Autoportrait (1980)

Le peintre Hockney a constitué ici son autoportrait à partir de photos prises au polaroïd. Il juxtapose plusieurs photos afin de donner de lui-même le plus d’aspects possibles au public. Cela rappelle la démarche cubiste en peinture qui avait pour but de déconstruire un objet pour en montrer le plus de faces possible.

En ce sens, le selfie, aussi appelé égoportrait, cad la photo de soi prise avec un smartphone dans le but d’être diffusée sur les réseaux sociaux, peut-il être considéré comme une œuvre artistique grâce à laquelle l’auteur se représente à lui-même et aux autres ? Ou le selfie n’est-il qu’un moyen de se montrer sur les réseaux sociaux, au risque de tomber dans une forme de narcissisme ?

Sur l’histoire de Narcisse : Ovide, Métamorphoses (3, 402-510)  et Tableau de Caravage, Narcisse.

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Caravage, Narcisse (1598)

Sur les points communs et différences entre les autoportraits et les selfies, une exposition « Autoportraits, de Rembrandt au selfie » avait été proposée à Lyon en 2016 :

Ainsi, on peut voir l’image de soi permet de prendre conscience de soi et a une grande importance dans la reconnaissance sociale. Cependant, cette image peut être trompeuse, le miroir ne renvoie qu’un reflet partiel de mon apparence (cf. Platon, République X : comparaison entre le lit en bois fabriqué par l’artisan et le lit peint par l’artiste. Par rapport à ce qu’est un lit en soi (Idée du lit), le lit fabriqué n’est qu’une image et le lit peint n’est qu’une image d’une image. Critique de la peinture en tant qu’elle nous éloigne de la vérité, cad des choses telles qu’elles sont en elles-mêmes. L’image est trompeuse et elle nous incite à rester dans l’illusion).

De plus, l’image que je donne aux autres peut être volontairement faussée. Face à autrui, je joue un rôle, j’incarne un personnage, et cela passe notamment par mon apparence (en latin, « persona » = le masque). Souvent sur un selfie par expl, je ne suis pas tout à fait moi-même, je me représente dans une certaine posture, avec certaines expressions très codifiées (expl du duck face qui permet l’inclusion dans un groupe social).

=> Si on prend en compte ces faiblesses de l’image, il est difficile de fonder notre identité sur l’image que l’on renvoie à soi-même et aux autres.

B) Je sais qui je suis car j’ai conscience de moi-même (le critère de la conscience)

 Pour répondre à la question « qui suis-je ? », je peux me référer à ce que j’ai conscience d’être. En effet, quand je réfléchis à ce que je suis, je sais que je suis en train de réfléchir. Je prends alors conscience de moi-même.

La conscience désigne en un 1e sens la présence que l’on a à soi-même, à son corps, à ses pensées. En un sens plus précis, la conscience est la réflexion et l’analyse que l’on fait de ses propres actes et pensées.

Ne peut-on pas faire de cette capacité d’analyse le fondement du « Je » ?

Selon Descartes, le « je » peut être défini à partir de l’expérience de la conscience : c’est lorsque je prends conscience que je suis en train de penser que je sais que j’existe. Descartes découvre cette vérité dans un contexte particulier qu’il est intéressant de préciser. Au milieu de sa vie, se rendant compte qu’il a accumulé beaucoup de croyances et de préjugés, Descartes décide de faire le tri entre ce qu’il croit sans fondement solide et ce qu’il sait vraiment. Pour faire ce tri, il utilise la méthode du doute : il s’agit de douter de tout ce dont il n’est pas absolument certain. Après avoir douté de ses sens, de son imagination, de l’existence de son corps et même des vérités mathématiques, Descartes se rend compte que la seule chose dont il ne peut pas douter, c’est le fait qu’il est en train de douter, cad de penser. Dans les Principes de la philosophie, Descartes formule cette découverte sous la forme « Dubito ergo cogito, cogito ergo sum » (« je doute donc je pense, je pense donc je suis »).

Texte de Descartes, Discours de la méthode IV

« J’avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs , il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu’on sait être fort incertaines, comme si elles étaient indubitables ; mais, parce qu’alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu’il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s’il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance , qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer. Et pour ce qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes , jugeant que j’étais sujet à faillir, autant qu’aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu’il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit, n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »

On pourrait donc faire de la capacité à réfléchir sur notre propre pensée le fondement de notre « Je ». Pour Descartes, l’identité du sujet est fondée sur le fait qu’il pense, et qu’il est doté d’une âme dont la caractéristique essentielle est de penser. Plus précisément, l’âme est considérée comme une substance immatérielle et pensante, radicalement opposée à une autre substance matérielle et étendue dans l’espace : le corps.

Mais cette référence à l’âme comme support de la pensée et de la conscience est-elle suffisante pour répondre à la question « qui suis-je ? » ?

Le critère proposé par Descartes semble convaincant pour se définir soi-même mais il a deux principales faiblesses :

  • Il ne garantit l’existence du « je » que pendant que je pense à ce que je pense. Rien ne m’assure que le « je » perdure lorsque la conscience se relâche. Pour assurer la permanence de l’identité personnelle dans le temps, Descartes propose une solution : il suppose que la conscience repose sur une substance, l’âme, dont l’essence est de penser. Mais cette notion de substance est loin d’être évidente.
  • Il établit une distinction nette entre deux substances : l’âme et le corps. C’est ce que l’on appelle le dualisme. Même si Descartes définit l’homme comme union de ces deux substances, le dualisme pose problème car, en réalité, je ne peux pas vraiment avoir conscience de moi-même et me connaître moi-même (pour Descartes, la conscience de soi est connaissance de soi) en faisant abstraction de mon corps.

Je pourrais alors peut-être définir mon identité à partir de l’union de mon âme et de mon corps et de l’expérience que je fais de cette union, en pratiquant un sport par expl. Cependant cette expérience est personnelle et peut difficilement être partagée, ce qui implique qu’elle ne peut pas être prise comme critère de l’identité personnelle.

C) Je sais qui je suis car je me souviens de ce que j’ai été et de ce que j’ai fait (le critère de la mémoire)

 En plus de ce que j’ai conscience d’être et de penser maintenant, il faut que je puisse me souvenir de ce que j’ai été et de ce que j’ai fait pour définir qui je suis. En effet, je peux répondre à la question « qui suis-je ? » en me référant à mes souvenirs, à mon vécu. On pourrait donc peut-être définir notre identité à partir du critère de la mémoire.

C’est la thèse que propose le philosophe empiriste anglais John Locke : le « je » peut être défini par la conscience et la mémoire. Selon Locke, la possibilité de dire « je » à propos de soi-même implique à la fois d’être un sujet distinct de tous les autres et d’être le même sujet à travers le temps. Or, la mémoire permet à la fois de me distinguer des autres sujets (mon vécu, mes souvenirs ne sont ceux d’aucun autre homme) et de rester le même malgré le passage du temps (le « je » actuel se souvient de ce qu’il a vécu dans le passé).

Dans l’Essai sur l’entendement humain (II, 27), Locke présente 3 éléments principaux pour définir l’identité personnelle :

  • Ce qui fait qu’un être est une personne, c’est la conscience de soi
  • Ce qu’une personne est, c’est ce qu’elle pense qu’elle est (perception interne), ce que Locke appelle « Moi » (« Self »).
  • Ce qui fait qu’un individu est et reste la même personne, c’est la conscience qu’a un sujet de ce qu’il est et le prolongement de cette conscience de soi dans le passé par la mémoire.

Texte de Locke, Essai sur l’entendement humain (II, 27)

« En quoi consiste l’identité personnelle. – Cela posé, pour trouver en quoi consiste l’identité personnelle, il faut voir ce qu’emporte le mot de personne. C’est, à ce que je crois, un être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui se peut considérer soi-même comme le même, comme une même chose qui pense en différents temps et en différents lieux ; ce qu’il fait uniquement par le sentiment qu’il a de ses propres actions, lequel est inséparable de la pensée, et lui est, ce me semble, entièrement essentiel, étant impossible à quelque être que ce soit d’apercevoir sans s’apercevoir qu’il aperçoit. (…) Car puisque la conscience accompagne toujours la pensée, et que c’est là ce qui fait que chacun est ce qu’il nomme soi-même, et par où il se distingue de toute autre chose pensante : c’est aussi en cela seul que consiste l’identité personnelle, ou ce qui fait qu’un être raisonnable est toujours le même. Et aussi loin que cette conscience peut s’étendre sur les actions ou les pensées déjà passées, aussi loin s’étend l’identité de cette personne : le soi est présentement le même qu’il était alors, et cette action passée a été faite par le même soi que celui qui se la remet à présent dans l’esprit. ».

Remarque : Locke, comme Descartes, fonde l’identité sur la conscience de soi (et sur le prolongement de cette conscience de soi dans le passé). Cependant, contrairement à Descartes, il ne fait pas reposer cette conscience sur une substance (l’âme pour Descartes). Locke, philosophe empiriste, critique d’ailleurs radicalement cette notion.

Ce double critère de la conscience et de la mémoire semble convaincant pour répondre à la question « qui suis-je ? » mais pose tout de même un certain nombre de problèmes. Par expl, je pourrai dire que je n’ai pas commis un acte dont je ne me souviens pas, ce qui pose la question de la responsabilité personnelle.

Transition du I au II : après avoir envisagé  plusieurs critères pour fonder l’identité personnelle, nous pouvons voir que ces critères ont des faiblesses irréductibles qui nous conduisent à nous demander s’il existe vraiment un support à notre identité.

II) Cependant, ces éléments sont fragiles et ne permettent pas vraiment de définir mon identité personnelle

A) Mon corps change, vieillit, et n’est pas un point stable qui puisse me définir

 Comme nous l’avons vu, il n’est pas possible de définir son identité àpd l’image de soi que l’on voit, parce que l’image peut être trompeuse mais aussi parce que le corps qui apparaît sur l’image ne cesse de changer avec le temps. En effet, si je tente de me définir àpd ce corps que je sens maintenant, je me heurte à une difficulté : mon corps change et vieillit.

Travail de l’artiste Roman Opalka qui se prend en photo tous les jours dans son atelier après sa séance de travail. Son oeuvre montre au jour le jour les effets du temps qui passe.

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Pour tout être vivant, le corps vieillit. Les cellules qui composent mon corps actuel ne sont pas les mêmes que celles qui composaient mon corps à ma naissance. Toute la matière corporelle se renouvelle sans cesse en fonction de notre âge, de nos besoins, de notre santé, de notre mode de vie.

Expérience de pensée proposée par Leibniz avec le bateau de Thésée (Nouveaux Essais sur l’entendement humain). Il part d’une histoire racontée par Plutarque : pour honorer les exploits de Thésée, les Athéniens ont décidé de garder son bateau. A chaque fois qu’une planche était abîmée, les Athéniens la changeaient, si bien qu’après plusieurs années, il ne restait aucune planche d’origine. Le problème posé par Leibniz est le suivant : est-ce le même bateau alors que la matière qui le compose n’est plus du tout la même ?

En plus du vieillissement, un autre problème se pose : il est très difficile de se définir soi-même àpd son corps car il n’existe pas de séparation radicale entre « le soi » et « le non-soi » (noms classiquement utilisés pour parler du système immunitaire et des corps étrangers). En effet, les avancées médicales montrent qu’il y a dans notre propre intestin des milliards de bactéries différentes qui vivent en symbiose avec nous et qui contribuent même à notre bien-être.  Puis-je alors dire que je suis une seule et même personne alors que la matière qui compose mon corps ne cesse de changer et que mon propre corps se compose d’autres corps vivants ?

Dans ce documentaire d’Arte est expliqué le rôle vital que jouent les milliards de bactéries dans notre intestin. Sont aussi envisagées plusieurs thérapies à partir de la prise en considération de ce rôle :

=> Face à ses difficultés, nous pouvons exclure le corps comme fondement de l’identité personnelle.

 B) La conscience existe à des degrés différents et je ne peux être pleinement conscient de tous les aspects de mon être

 Définir son identité personnelle àpd la conscience que l’on a de soi semble plus convaincant mais cela pose aussi certaines difficultés. En effet, dans la vie quotidienne, nous ne sommes pas tout le temps pleinement conscients de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Lorsque nous faisons certaines actions habituelles par expl, nous agissons par automatisme, avec un degré de conscience assez faible.

Texte de Bergson, La conscience et la vie

« Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix; puis à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix, ou si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix. »

Selon Bergson, la conscience n’émerge que lorsqu’un imprévu surgit et nous impose de faire un choix, cad d’agir librement. On pourrait alors dire que dans les actes libres, nous sommes pleinement nous-mêmes mais peut-on pour autant dire que, dans les actes faits automatiquement, nous sommes moins nous-mêmes ?

Cette question se pose encore plus si on fait l’hypothèse avec Freud qu’il existe en nous un inconscient autonome, constitué de pulsions principalement sexuelles et violentes, qui déterminent ce que nous sommes et ce que nous faisons. Selon Freud, la conscience est une minuscule partie du psychisme. Dans sa 2e topique (cartographie du psychisme humain), Freud explique que le psychisme est composé de 3 grandes parties : le Ca, le Surmoi et le Moi. Chaque Moi est le résultat d’une conciliation plus ou moins réussie entre des pulsions venues du Ca et des interdictions posées par le Surmoi. Il en résulte que, même pour les sujets sains, l’équilibre du Moi est toujours précaire, et que l’identité du Moi est entièrement déterminée par des pulsions inconscientes et des interdits intériorisés.

Texte de Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse

 « Un proverbe met en garde de servir deux maîtres à la fois. Le pauvre moi est dans une situation encore pire, il sert trois maîtres sévères, il s’efforce de concilier leurs revendications et leurs exigences. Ces revendications divergent toujours, paraissent souvent incompatibles, il n’est pas étonnant que le moi échoue si souvent dans sa tâche. Les trois despotes sont le monde extérieur, le surmoi et le ça. (…) Poussé par le ça, entravé par le surmoi, rejeté par la réalité, le moi lutte pour venir à bout de sa tâche, qui consiste à établir l’harmonie parmi les forces et les influences qui agissent en lui et sur lui, et nous comprenons pourquoi nous ne pouvons très souvent réprimer l’exclamation : « La vie n’est pas facile ! ». Lorsque le moi est contraint de reconnaître sa faiblesse, il éclate en angoisse : une angoisse réelle devant le monde extérieur, une angoisse de conscience devant le surmoi, une angoisse névrotique devant la force des passions logées dans le ça».

Pour compléter la réflexion sur l’hypothèse freudienne de l’inconscient :

Avec l’hypothèse freudienne de l’inconscient, la notion d’identité personnelle est en crise. En effet, si ce que je suis est déterminé par l’inconscient, alors je ne décide d’aucun aspect de mon être et je ne suis libre de faire aucune de mes actions.

Le philosophe Alain fondera sa critique de l’inconscient freudien sur cette idée que Freud, en supposant l’existence d’un inconscient autonome, exclut la liberté et la responsabilité humaines, ce qui rend impossible toute vie en société.

 C) Ma mémoire n’est pas toujours fiable et ne peut suffire à me définir

 Au-delà de notre conscience dont les degrés ne cessent de varier, je pourrais dire que je suis ce que je me souviens avoir été. En effet, mes souvenirs, ma mémoire semblent être un critère convaincant pour assurer une continuité de mon identité dans le temps et pour me distinguer des autres. Mais le critère de la mémoire pose aussi des difficultés car nous ne souvenons pas de tout ce que nous avons vécu, et parfois nous nous souvenons mal des événements vécus. Notre mémoire n’est pas un enregistrement passif et objectif de ce que nous vivons : elle sélectionne, se focalise sur certains éléments, en oublie d’autres et peut même créer des souvenirs de toute pièce. De plus, notre mémoire fonctionne de différentes façons en fonction du type d’information à retenir (les scientifiques distinguent généralement 5 formes principales de mémoire : la mémoire de travail (immédiate et éphémère), sémantique (retient le sens, sur long terme), procédurale (enregistre des suites de gestes et des opérations), épisodique (enregistre des événements en fonction de la façon dont on les a vécus) et la mémoire perceptive (liée à des données sensorielles). La mémoire autobiographique (qui correspondrait à notre identité) mêle ces différentes formes (épisodique, perceptive mais aussi sémantique et procédurale). Elle est donc particulièrement complexe et mélange un grand nombre d’informations, plus ou moins conscientes, réelles et objectives.

C’est en pointant les déficiences de la mémoire et les écueils moraux auxquels cette pensée nous conduit que Leibniz propose une critique de la thèse de Locke (énoncée précédemment en I, C).  Ce que Leibniz fustige, c’est l’idée que si le moi se réduisait à la conscience présente et passée, nous ne serions pas responsables des actes que nous avons oubliés et notre petite enfance ne ferait plus partie de notre identité.

Texte de Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain : 

« Je ne voudrais point dire non plus que l’identité personnelle et même le soi demeurent point en nous et que je ne suis point ce moi qui ai été dans le berceau, sous prétexte que je ne me souviens plus de rien de tout ce que j’ai fait alors. Il suffit pour trouver l’identité morale par soi-même qu’il y ait une moyenne liaison de conscienciosité d’un état voisin ou même un peu éloigné à l’autre, quand quelque saut ou intervalle oublié y serait mêlé. Ainsi, si une maladie avait fait une interruption de la continuité de la liaison de conscienciosité, en sorte que je ne susse point comment je serais devenu dans l’état présent, quoique je me souviendrais des choses plus éloignées, le témoignage des autres pourrait remplir le vide de ma réminiscence. On me pourrait même punir sur ce témoignage, si je venais de faire quelque mal de propos délibéré dans un intervalle, que j’eusse oublié un peu après par cette maladie. Et si je venais à oublier toutes les choses passées, et serais obligé de me laisser enseigner de nouveau jusqu’à mon nom et jusqu’à lire et écrire, je pourrais toujours apprendre des autres ma vie passée dans mon précédent état, comme j’ai gardé mes droits, sans qu’il soit nécessaire de me partager en deux personnes, et de me faire héritier de moi-même. Et tout cela suffit pour maintenir l’identité morale qui fait la même personne. »

La mémoire comporte donc trop de défaillances pour fonder objectivement notre identité. Cette vidéo du youtubeur E-penser explique les expériences scientifiques menées sur la mémoire et principalement sur les faux souvenirs :

Définir son identité àpd sa mémoire semble donc fragile. Pourrait-on par expl dire que l’on n’est pas l’auteur d’une action dont on ne se souvient pas ? Peut-on dire d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer qu’elle n’est plus la même ?

 D) Le moi est illusoire et il n’y a rien en moi qui assure la stabilité de mon identité personnelle

Après avoir exclu tous les critères que nous avons proposés pour fonder l’identité personnelle, nous devons peut-être admettre qu’il n’y a rien qui nous assure d’être distinct d’autrui et de rester le même à travers le temps. En ce sens, la notion de « moi » est une illusion inventée pour nous rassurer.

En art, de nombreux artistes ont joué avec cette fragilité du moi. Rimbaud disait « Je est un autre » (Lettre à Izambard de 1871 : « C’est faux de dire : je pense : on devrait dire : On me pense. — Pardon du jeu de mots. — Je est un autre. » .

Certains auteurs jouent aussi avec des pseudonymes. Pessoa par expl utilisait des pseudonymes pour écrire et montrer au public le morcellement de son identité (« pessoa » en portugais = « personne ») (« Ce que nous sommes/ Ne peut passer ni dans un mot ni dans un livre./ Notre âme infiniment se trouve loin de nous. […]/ Nous sommes nos rêves de nous, des lueurs d’âme,/ Chacun est pour autrui rêves d’autrui rêvés.. »).

Critiquant fortement la philosophie cartésienne, Hume remet en cause l’idée même qu’il existe un « moi » distinct des autres et stable dans le temps. Selon lui, la notion même de substance (support stable doué de certaines caractéristiques) est illusoire. Il n’existe rien de tel qu’un « moi », nous ne sommes constitués que d’un ensemble de perceptions variables et mélangées, que l’on peut à peine identifier au moment où on les ressent.

Pour Hume, « les hommes ne sont rien qu’un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent les unes aux autres avec une rapidité inconcevable (. . .) »

Texte de Hume, Traité de la nature humaine

« Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d’existence ; et que nous sommes certains, plus que par l’évidence d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n’ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n’existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu’il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. »

Ainsi, le moi est insaisissable car le changement est permanent. Dans le vocabulaire de Bergson, nous pouvons dire que nous vivons dans la durée, cad dans le changement permanent, dans le flux perpétuel (cf. pensée du présocratique Héraclite : « penta rhei », « tout s’écoule »).

Texte de Bergson, L’évolution créatrice 

« La durée est le progrès continu du passé qui ronge l’avenir et qui gonfle en avançant. […] L’amoncellement du passé sur le passé se poursuit sans trêve. Tout entier, sans doute, il nous suit à tout instant : ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s’y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors. […] Que sommes-nous, en effet, qu’est-ce que notre caractère, sinon la condensation de l’histoire que nous avons vécue depuis notre naissance, avant notre naissance même, puisque nous apportons avec nous des dispositions prénatales? Sans doute nous ne pensons qu’avec une petite partie de notre passé ; mais c’est avec notre passé tout entier, y compris notre courbure d’âme originelle, que nous désirons, voulons, agissons. Notre passé se manifeste donc intégralement à nous par sa poussée et sous forme de tendances, quoiqu’une faible part seulement en devienne représentation. »

   De cette survivance du passé résulte l’impossibilité, pour une conscience, de traverser deux fois le même état. Les circonstances ont beau être les mêmes, ce n’est plus sur la même personne qu’elles agissent, puisqu’elles la prennent à un nouveau moment de son histoire. Notre personnalité, qui se bâtit à chaque instant avec de l’expérience accumulée, change sans cesse. En changeant, elle empêche un état, fût-il identique à lui-même en surface, de se répéter jamais en profondeur. C’est pourquoi la durée est irréversible. »

 

 III) Artificielle ou non, l’identité du moi est indispensable pour fonder la responsabilité de nos actes

 A) Le moi est une illusion, mais une illusion nécessaire à la vie et au langage

 Mon identité, définie à la fois par ma capacité à me distinguer d’autrui et à me reconnaitre comme étant le même à travers le temps, ne repose peut-être pas sur un critère objectif clairement identifiable. Nous n’avons pu trouver aucune substance qui perdure malgré tous les changements subis. Peut-être que rien ne peut caractériser de manière fixe et définitive mon « je ».

Selon Nietzsche, c’est la notion même de « sujet » telle que l’a formulée Descartes qu’il faut remettre en cause. Nietzsche critique le fait que Descartes a tiré des conclusions exagérées de sa découverte de la pensée. En effet, Descartes a immédiatement formulé le phénomène de la pensée sous la forme « Je pense ». Mais cette formulation est loin d’être évidente car elle présuppose que, derrière le phénomène de la pensée, il y a « une chose qui pense », cad un sujet. Or, cette interprétation est fausse selon Nietzsche car la pensée est en mouvement permanent, alors que le « je » est parfaitement stable, ce qui est contradictoire. On devrait donc dire « ça pense » plutôt que « je » pense. Mais Nietzsche ajoute que le fait de poser un « je » est rassurant, et qu’il constitue pour nous un point de repère.

Texte de Nietzsche, Par-delà bien et mal

« Pour ce qui est de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait que ces esprits superstitieux ne reconnaissent pas volontiers à savoir qu’une pensée se présente quand « elle » veut, et non pas quand « je » veux ; de sorte que c’est falsifier la réalité que de dire : le sujet « je » est la condition du prédicat « pense ». Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit justement l’antique et fameux « je », voilà, pour nous exprimer avec modération, une simple hypothèse, une assertion, et en tout cas pas une « certitude immédiate ». En définitive, ce « quelque chose pense » affirme déjà trop ; ce « quelque chose » contient déjà une interprétation du processus et n’appartient pas au processus lui-même. En cette matière, nous raisonnons d’après la routine grammaticale : « Penser est une action, toute action suppose un sujet qui l’accomplit, par conséquent… » C’est en se conformant à peu près au même schéma que l’atomisme ancien s’efforça de rattacher à l’« énergie » qui agit une particule de matière qu’elle tenait pour son siège et son origine, l’atome. Des esprits plus rigoureux nous ont enfin appris à nous passer de ce reliquat de matière, et peut-être un jour les logiciens s’habitueront-ils eux aussi à se passer de ce « quelque chose », auquel s’est réduit le respectable « je » du passé. »

En ce sens, même si le « je » est une illusion, c’est une illusion nécessaire. En effet, j’ai au quotidien besoin de croire que ma personne est unie et unique et que je reste la même à travers le temps. J’ai besoin de me dire que c’est bien moi qui ai vécu ces événements dont je me souviens aujourd’hui mais aussi certains événements dont je ne me souviens plus et que l’on me raconte. Cette référence à un pôle stable que l’on appelle « je » est indispensable pour notre vie sociale, pour la communication avec autrui et pour notre bien-être psychologique en général.

En ce sens, Nietzsche dit du « moi » qu’il est une pure fiction mais une fiction absolument indispensable pour notre survie. En effet, nous serions incapables de vivre si nous acceptions que la réalité est celle d’un changement permanent, dans lequel rien de stable ne perdure. Pour vivre, nous avons besoin de points de repère et de stabilité. L’illusion du « moi » a donc une fonction vitale pour les êtres vivants.

 

B) Supposer que le moi existe est indispensable pour assurer la responsabilité de nos actes, et donc la justice et la vie en société

Qu’il existe ou non un élément stable en nous qui permette de définir notre identité personnelle, il nous est nécessaire de poser l’existence du « moi », non seulement parce que nous ne pouvons pas supporter l’idée de n’être qu’un flux d’atomes, d’émotions et de perceptions, mais aussi parce que le « moi » est nécessaire pour fonder la responsabilité de nos actes. Même si ce n’est qu’un « masque », le statut de « personne », au sens moral et politique du terme, est indispensable pour penser la liberté de chacun et la nécessité de répondre de nos actes devant autrui.

Il est donc nécessaire de se référer à un « moi » distinct des autres et stable à travers le temps pour rendre justice et assurer le bien-être de tous au sein d’une société. Dire « ce n’était pas moi » ou « je n’étais pas tout à fait moi-même » (sauf en cas de maladie psychiatrique), c’est se trouver des excuses et fuir sa responsabilité.

Selon Sartre, l’homme est fondamentalement libre, mais il est plus facile pour lui de nier sa liberté. En ce sens, l’homme a longtemps lié ses actes à un être supérieur (Dieu). Cette référence lui permettait de se déresponsabiliser, de se trouver des excuses pour faire ou ne pas faire certaines choses. C’est pour Sartre faire preuve de « mauvaise foi ». Sartre montre que, si on admet que Dieu n’existe pas, alors l’homme doit affronter sa liberté. Chacun est seul face à sa liberté vertigineuse et angoissante. Sartre insiste sur le paradoxe de notre condition humaine : la seule chose que nous ne sommes pas libres de faire, c’est nier notre liberté.

Texte de Sartre, L’existentialisme est un humanisme

« Dostoïevski avait écrit : « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis. » C’est là le point de départ de l’existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n’existe pas, et par conséquent l’homme est délaissé, parce qu’il ne trouve ni en lui, ni hors de lui, une possibilité de s’accrocher. Il ne trouve d’abord pas d’excuses. Si, en effet, l’existence précède l’essence, on ne pourra jamais l’expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit, il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté. Si d’autre part, Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n’avons ni derrière nous ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls, sans excuses. C’est ce que j’exprimerai en disant que l’homme est condamné à être libre. Condamné parce qu’il ne s’est pas crée lui-même, et par ailleurs cependant libre parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait »

Je dois donc au moins croire à l’existence d’un « je » car ce « je » doit pouvoir agir librement et assumer les conséquences de ses actes. J’existe en tant que « je » unique et différent des autres, non seulement pour moi-même mais surtout pour autrui.

Pour récapituler, conclure et compléter la réflexion :

En un mot, philosophons!

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