Désir et bonheur

                        FICHE SUR LE DESIR ET LE BONHEUR  

DEFINITIONS :

  • Désir = conscience d’un manque et effort fait pour combler ce manque . Etymologie latine : « de-sidus, sideris » = « en l’absence de l’étoile »
  • Besoin = forme de désir dont l’assouvissement est vital pour nous
  • Plaisir = sensation agréable éphémère ressentie à la satisfaction d’un désir
  • Bonheur = état de bien-être durable et stable
  • Joie = sentiment d’exaltation intense et peu durable
  • Aponie = absence de douleur du corps
  • Ataraxie = absence de troubles de l’âme

Introduction : dans la société de consommation, tous les produits attirent notre regard et suscitent en nous des désirs que nous cherchons à satisfaire. La seule condition pour être satisfait est d’avoir assez d’argent pour ne renoncer à aucun produit, et donc pour ne pas se sentir frustré. Cependant, le lien entre l’argent et le bonheur n’est pas si évident car la possession d’argent n’est pas la garantie du bonheur (il y a bien une corrélation mais pas de causalité entre argent et bonheur).

=> Problématique du cours : est-il nécessaire de satisfaire tous ses désirs pour éviter le manque et parvenir à cet état de plénitude qu’est le bonheur ? En d’autres termes, alors qu’à première vue le bien-être semble favorisé par la satisfaction de nos désirs pour éviter toute frustration, ne doit-on pas aussi souligner que le fonctionnement cyclique du désir qui nous réduit à un manque permanent ?

I) Le désir ne peut être source de bonheur car il est l’expression d’un manque

  • Le désir comme manque d’être

Le désir est un manque qui révèle l’imperfection de l’être humain : nous désirons être ce que nous ne sommes pas, nous désirons avoir ce que nous n’avons pas.

Référence : Platon, Le Banquet : dans les mythes d’Aristophane et de Socrate, le désir apparaît dans son ambivalence, en tant qu’il est à la fois une perte, un manque, une pauvreté et le mouvement fait pour combler ce manque. Notion grecque de « pharmakon » (« poison » et « remède »).

  • Le cycle infernal des désirs

Dans le désir, ce qui est absent crée en nous un manque. Si ce manque n’est pas comblé, nous sommes dans la souffrance et dans la frustration. Mais, même si ce manque est comblé, le plaisir ressenti est éphémère et laisse place à de l’ennui, terrain propice à la renaissance de nouveaux désirs, donc de nouveaux manques.

Référence : Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation : « Le désir, de sa nature, est souffrance ». Désir et bonheur sont incompatibles. Conception négative du bonheur : le bonheur n’est qu’un apaisement momentané des souffrances, sauf pour quelques hommes exceptionnels capables de contempler le monde de façon désintéressée.

Illustration : Tableau de Bonnard, L’homme et la femme

II) Pour éviter la souffrance et favoriser notre bonheur, il nous faut trier nos désirs

  • La raison peut intervenir sur les désirs qui nous rendent malheureux

Les effets négatifs des désirs se voient surtout lorsque nous les subissons (passions = désirs face auxquels nous sommes passifs). Pour éviter la démesure (l’ « hybris » grecque était considérée comme le plus grand des vices), il faut que notre raison contrôle nos désirs.

Référence : Epictète, Manuel : le bonheur est accessible par le biais de la maîtrise de soi et de la vertu. Pour être vertueux, il faut distinguer par notre raison « ce qui dépend de nous » et « ce qui ne dépend pas de nous » et ne chercher à agir que sur « ce qui dépend de nous », cad nos jugements. La vertu permet aussi d’être libre, au sens de l’autonomie (=capacité à se donner à soi-même la loi de sa conduite).

Expl : ne pas chercher à agir sur un événement car nous ne pouvons rien y changer, mais changer le jugement que nous portons sur cet événement (ne pas se lamenter sur l’orage qui annule notre sortie en montagne, mais profiter de la pluie pour se reposer et lire un livre).

  • La recherche de critères pour choisir les désirs qui sont bons pour nous

Certains désirs sont vitaux (les besoins), mais d’autres créent en nous une dépendance qui n’est pas bénéfique mais asservissante (expl : le désir d’argent s’auto-alimente et grandit sans cesse, il nous rend dépendant de choses superficielles). Le bonheur se trouve facilement, en éloignant les peurs (la peur de la mort principalement) et en cherchant au quotidien les plaisirs simples et modérés.

Référence : Epicure, Lettre à Ménécée : contrairement à ce que pense l’opinion commune, le bonheur n’est pas difficile d’accès, et le moyen pour accéder au bonheur est le plaisir. Mais tous les plaisirs n’ont pas un effet bénéfique sur nous. Il faut donc mettre en place un véritable « calcul » rationnel pour distinguer les désirs naturels et nécessaires (indispensables à notre survie), les désirs naturels et non nécessaires (que l’on peut satisfaire avec modération) et les désirs non naturels et non nécessaires (qu’il faut éloigner de nous). Le sage épicurien parvient simplement au bonheur grâce à l’appréciation des plaisirs simples du présent, de préférence partagés avec les Amis.

Illustration possible du bonheur épicurien : tableaux de Pierre Auguste Renoir Bal au moulin de la Galette ou Les Laveuses

  • Contrôler nos désirs par la raison : une illusion ?

Est-il vraiment possible de trier rationnellement nos désirs et de renoncer à certains ? L’esprit a-t-il un tel pouvoir de contrôle sur le corps ?

Référence : Nietzsche, Le crépuscule des idoles : « attaquer les désirs à la racine, c’est attaquer la vie à la racine ». La haine des désirs est une haine du corps, qui n’est qu’une forme de mépris pour la vie elle-même. En Occident, la religion catholique a beaucoup contribué à ce rejet du corps comme matière méprisable, en opposition avec l’âme immortelle. Cette pensée est mortifère.

Pour Nietzsche, le bonheur se construit en commençant par rejeter tous les carcans dans lesquels on est enfermés depuis l’enfance, et par vivre son existence librement. Il s’agit de devenir artiste de sa propre existence : « Deviens qui tu es »

III) Le désir comme essence de l’homme et condition du bonheur

  • Le désir comme condition du bonheur de l’homme

Le fait même de désirer, indépendamment de la satisfaction de ce désir, peut être source de joie et d’une jouissance durable nourrie par l’imagination. L’imagination permet à l’homme d’orner de toutes les beautés et perfections l’objet du désir.

Référence : Rousseau, La Nouvelle Héloïse : « on jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux ». La satisfaction rêvée du désir est merveilleuse, si belle qu’elle nous permet d’être heureux. Souvent, la réalité est même décevante par rapport à ce rêve. En ce sens, « le pays des chimères est le seul digne d’être habité »

Illustration du bonheur du « juste avant » (« on n’est heureux qu’avant d’être heureux ») : Watteau, L’embarquement pour Cythère : les personnages montrent leur joie de partir en voyage, même si cette joie est mélancolique comme le souligne Verlaine dans Clair de lune : « Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur ».

  • Le désir comme essence de l’homme

Mais n’est il pas illusoire de croire que notre raison est capable d’exclure un de nos désirs ? Pourquoi assouvit-on souvent certains désirs que l’on sait pourtant négatifs pour nous ?

Référence : Ovide :  « Video meliora proboque, deteriora sequor » (« Je vois le bien et je l’approuve et pourtant c’est le mal que je fais »).

Référence : Spinoza, Ethique : la raison ne peut pas combattre un désir négatif pour nous. Pour le combattre, il faut remplacer ce désir négatif par un désir positif, qui augmentera notre « puissance d’agir » et notre « Joie ».

Expl : remplacer le désir négatif de fumer par le désir positif de gravir un sommet en montagne l’été.

L’homme est un être de désir (définition de l’homme comme « Conatus », cad qu’il « tend à persévérer dans son être » et à augmenter sa « puissance d’agir »). Pas de séparation ni de hiérarchie entre esprit et corps (opposition au dualisme cartésien dans lequel l’âme domine le corps).

Construction du bonheur en éloignant les désirs nés de choses qui « ne conviennent pas à notre nature » et qui déclenchent en nous des « passions tristes » (colère, haine, rancune, jalousie) et en favorisant les désirs nés de choses qui « conviennent à notre nature » et font naître des « passions joyeuses » (joie, générosité, bienveillance).

L’homme heureux est nécessairement vertueux. Se connaissant lui-même et recherchant à cultiver sa Joie, il est utile à tous (construction d’un bonheur collectif). Le sage tente d’aider et de comprendre autrui sans préjugés : « ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, ne pas juger, mais comprendre ». Le sage sait aussi qu’il n’existe pas de catégories morales manichéennes de Bien et de Mal, mais seulement des choses bonnes et mauvaises pour certains et pas pour d’autres.

Conclusion : le désir de connaissance est le désir par excellence pour lequel la quête importe autant voire plus que le résultat. En effet, la connaissance comme objet du désir est immense et on ne peut y tendre que comme idéal inaccessible.

En un mot, philosophons!

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