Autrui

                                   FICHE SUR AUTRUI ET LA MORALE

DEFINITIONS :

  • Altérité = caractère de ce qui est autre et prise en considération de l’existence d’autrui
  • Egoïsme = tendance à penser à son intérêt personnel avant d’envisager l’intérêt d’autrui
  • Egocentrisme = tendance à ne penser le monde extérieur que par rapport à soi-même
  • Altruisme = capacité à dépasser son intérêt personnel pour envisager et privilégier l’intérêt d’autrui
  • Etat de nature = fiction inventée pour imaginer ce que seraient les hommes s’ils ne vivaient pas en société
  • Pitié = sentiment qui nous pousse à ne pas supporter de voir souffrir autrui
  • Devoir = avoir pour obligation de (distinction entre obligation imposée par moi-même et contrainte imposée par l’extérieur).
  • Morale = ensemble de valeurs qui me permettent de vivre avec autrui

INTRODUCTION :

Omniprésence dans les discours politiques et médiatiques contemporains de l’hostilité du monde et de la méfiance qu’il faut avoir par rapport à autrui => augmentation du sentiment d’insécurité et sensation de menace permanente.

Autrui = étranger hostile qui partage pourtant avec moi une condition commune => Ambivalence

  • Problématique : alors qu’autrui m’apparaît comme étranger et hostile, n’avons-nous pas des points communs qui nous permettent de partager une certaine conscience, une certaine sensibilité et certaines expériences ?

I) Autrui est pour moi étrange et étranger

A) La méfiance nécessaire à l’égard d’autrui

Autrui et moi avons des intérêts personnels différents et nous cherchons tous deux à les satisfaire. Pour cela, nous entrons en compétition et désirons affirmer notre force auprès de lui. Il est donc un concurrent dont je dois me méfier.

Référence : Hobbes, Leviathan : à l’état de nature, les hommes sont mus par des désirs qu’ils cherchent à satisfaire. Comme les désirs se portent souvent sur des objets communs, ils entrent en compétition et recourent à la violence pour affirmer leur puissance sur autrui et pour obtenir de la reconnaissance de leur part. La situation naturelle est une « guerre de tous contre tous » où « tout homme est l’ennemi de tout homme ». Ayant peur en permanence d’être tués, les hommes acceptent de renoncer à leurs libertés naturelles et de transférer leur force à un tiers, l’Etat, chargé d’assurer leur sécurité.

B) Autrui réduit ma liberté

Dans la vie en société, je ne peux pas faire tout ce qui me plaît car je dois prendre en compte l’existence d’autrui. En ce sens, je dois respecter les lois car elles ont pour rôle de nous permettre de vivre ensemble en limitant le nombre de conflits.

Référence : débat entre Socrate et Calliclès sur l’assouvissement des désirs dans le Gorgias de Platon : Calliclès soutient qu’il ne faut pas se restreindre dans l’assouvissement de ses désirs, quitte à asservir autrui. Socrate lui répond que ne pas se restreindre dans ses désirs, c’est comme remplir indéfiniment le tonneau percé des Danaïdes. Pour Socrate, je dois prendre en compte l’existence d’autrui lorsque je veux assouvir un de mes désirs.

De plus, le regard d’autrui me juge en permanence. Lorsque je pense être seul et que je surprends autrui en train de me regarder, j’ai honte.

Référence : Sartre, L’Etre et le Néant : dans la honte, je me rends compte de la vulgarité de certains de mes gestes. Le regard d’autrui pèse sur moi en permanence (cf. Huis clos : « L’Enfer, c’est les autres »).

C) L’incommunicabilité de ma singularité

Intimement, je ne connais que moi-même. Même si je peux communiquer avec autrui par des sentiments, des gestes ou des paroles, je ne suis pas lui et je ne peux pas savoir exactement ce qu’il pense et ressent.

Référence : Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception : si mon ami Paul perd sa femme, je peux être triste par empathie mais je ne connais pas vraiment sa tristesse car nos situations« ne sont pas superposables » : « Paul est Paul et je suis moi ».

Transition : Si autrui est insupportable, il m’est aussi indispensable. En effet, la solitude absolue n’est peut-être pas souhaitable (cf. Victor Hugo : « L’enfer est tout entier dans ce mot : la solitude »).

II) Autrui et moi partageons une condition commune

A) Le lien avec autrui par la pitié

Peut-être que notre rapport à autrui ne commence pas par le conflit mais plutôt par la prise de conscience d’une condition commune qui nous pousse à la compassion.

Référence : Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : à l’état de nature, les hommes ne sont pas violents mais assez indépendants et indifférents les uns par rapport aux autres. Chacun cherche à se préserver soi-même et, quand autrui souffre, s’imagine dans sa situation et souffre avec lui : c’est la pitié. Ce sentiment naturel montre que l’homme est naturellement doté d’une conscience morale qui le pousse à être bienveillant mais ce sentiment naturel soit être renforcé par la raison pour devenir une véritable connaissance de la distinction entre le bien et le mal, le juste et l’injuste.

Expl : tableau de Van Gogh, Le bon Samaritain (parabole biblique) : image de l’entraide et de la solidarité.

B) Le fondement rationnel du respect

Fonder le respect pour autrui sur des sentiments peut sembler trop fragile. Ce respect doit être fondé sur la raison.

Référence : Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs : le devoir moral est inscrit dans la raison de l’homme sous forme de lois morales : les « impératifs catégoriques ». Contrairement aux impératifs hypothétiques qui se formulent comme des conditions (« Si tu veux du pain, prends de la monnaie »), les impératifs catégoriques doivent être suivis sans poser de conditions. Le 2e impératif catégorique porte sur le respect d’autrui : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours comme une fin et jamais seulement comme un moyen ».

C) Les bienfaits de la coopération

Naïvement, on a tendance à penser la nature comme un lieu de compétition acharnée. Mais il existe aussi dans la nature des formes de symbiose, de coopération et d’entraide très développées.

Référence : Darwin, L’Origine des espèces : seules les espèces « les plus aptes » survivent au processus de « sélection naturelle ». Mais la morale fait partie des piliers qui permettent à une espèce de survivre, pour les hommes notamment.

Référence : Arendt, Condition de l’homme moderne : dans l’imaginaire occidental, le héros est un homme seul qui affronte toutes les situations. Ce mythe du « cow-boy » solitaire est complètement faux car l’homme ne tire sa véritable force que de la collaboration avec ses semblables.

Transition : autrui est cet autre auquel je dois le respect et avec lequel je partage une condition, des sentiments et je peux collaborer. Mais autrui est peut-être aussi pour moi l’intermédiaire indispensable pour que je me connaisse moi-même.

III) Autrui me permet de mieux me connaître moi-même

A) Autrui est nécessaire à ma construction comme sujet

Pour être un sujet pleinement libre et conscient, l’introspection ne suffit pas. Il faut qu’autrui me reconnaisse comme un sujet unique. Son regard m’est indispensable. La solitude absolue est synonyme de folie.

Expl : Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique : Robinson est seul et se rend compte de l’importance d’autrui : « Autrui, pièce maîtresse de mon univers ».

Référence : Sartre, L’existentialisme est un humanisme : autrui, même s’il me juge et peut me faire ressentir de la honte, est un miroir pour la conscience de soi : mais « Pour que j’obtienne une quelconque vérité sur moi, il faut que je passe par l’autre ».

B) La connaissance de soi par le biais d’un ami

La connaissance de qqch se doit d’être la plus objective possible. Si je cherche à me connaître moi-même, l’objectivité est impossible. Il me faut donc une aide extérieure : celle d’un autre qui me connaît bien et en qui j’ai confiance. Cet autre peut être l’ami.

Référence : Aristote, L’Ethique à Nicomaque : « quand nous voulons apprendre à nous connaître, c’est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu’un ami est un autre soi-même. »

Expl : amitié entre Montaigne et La Boétie : « Parce que c’était lui, parce que c’est moi »

 

En un mot, philosophons!

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