Identité personnelle

            CONSCIENCE, INCONSCIENT ET LIBERTE : L’IDENTITE PERSONNELLE

DEFINITIONS :

  • Identité : ensemble des éléments permettant à un individu de se constituer comme sujet (opposition entre sujet et objet), cad de savoir qu’il est unique et qu’il reste le même avec le passage du temps
  • Personne : individu doté d’un statut moral et social et reconnu comme tel
  • Conscience : au sens large, présence à soi-même et au monde. Au sens réflexif, capacité d’un être à faire retour sur sa propre pensée et à l’analyse
  • Substance : ce qui existe de façon permanente, par opposition à ce qui change
  • Mémoire : faculté à enregistrer et à conserver des souvenirs. Distinction entre plusieurs types de mémoire (immédiate, procédurale, perceptive et épisodique)
  • Inconscient : degré minimal ou absence de conscience. Selon la psychanalyse, l’inconscient est une partie autonome et majoritaire du psychisme humain.
  • Illusion : perception erronée de la réalité (contrairement à l’erreur qui peut être rectifiée, l’illusion a tendance à persister)
  • Responsabilité : liberté et obligation d’assumer et de répondre de ses actes et de leurs conséquences
  • Liberté: au sens large, condition de celui qui n’est soumis à aucune contrainte extérieure (distinction entre contrainte imposée de l’extérieur et obligation que je m’impose à moi-même intérieurement).

INTRODUCTION :

Spontanément, il semble assez facile de répondre à la question « qui suis-je ? ». Je peux donner un nom, un prénom, une origine, une taille, un trait de caractère ou encore une caractéristique physique. Mais, si tous ces éléments sont indispensables pour que je sois reconnu socialement, aucun n’est assez solide pour définir vraiment mon identité, cad ce qui me définit comme un sujet unique et ce qui me permet de dire que je reste le même à travers le temps.

=> Problématique: si, au quotidien, je n’ai aucun doute sur mon identité, puis-je vraiment trouver un élément stable qui me permette de me reconnaître, voire de me connaître, à travers le temps comme une seule et même personne ?

I) Les éléments qui m’assurent que je suis une personne unique sont nombreux et assez évidents

A) Je sais qui je suis en me reconnaissant dans ma propre image (le critère de l’image de soi)

Pour savoir qui je suis, il me suffit de m’identifier à ma propre image, reflétée dans un miroir (àpd 18 mois) ou représentée dans un portrait ou autoportrait (dessin, peinture ou photographie).

Expl : Portrait de François Ie par Clouet : représentation glorifiante de la personne. 

Autoportraits de Rembrandt, Van gogh, Kalho ou Dali : insistance sur un aspect de soi dans l’image (vieillesse, mélancolie, souffrance, autodérision…).

Cependant, la contemplation de l’image de soi peut conduire au narcissisme.

Référence : Ovide, Métamorphoses : histoire de Narcisse qui tombe amoureux de son propre reflet, au point de ne plus se reconnaître dans sa propre image.

D’autre part, l’image ne donne qu’une apparence partielle de moi-même. L’image peut être trompeuse et nous maintenir dans l’illusion. Elle n’est donc pas assez solide pour définir l’identité personnelle.

Référence : Platon, République X : critique du pouvoir trompeur de l’image. Distinction des degrés de réalité : Idée de lit, lit fabriqué par l’artisan (image), lit peint par l’artiste (image de l’image). Eloignement progressif de la vérité, de ce que sont les choses réellement dans le monde des Idées.

B) Je sais qui je suis car je suis capable de prendre conscience de moi-même (le critère de la conscience de soi comme connaissance de soi)

Pour savoir qui je suis, il me suffit de prendre conscience de moi-même, et de me connaître comme être conscient. Au sens fort, la conscience réflexive est la capacité à faire retour sur sa propre pensée (je pense que je suis en train de penser).

Référence : Descartes, Discours de la méthode IV : dans un contexte de recherche d’un fondement solide pour les sciences, Descartes découvre que, même s’il doute de tout, y compris de l’existence du monde et de son corps, il est certain d’au moins une chose : il est en train de douter. De cette découverte, il en déduit que s’il doute, alors il pense, plus précisément que son âme pense et qu’elle est une substance radicalement distincte de son corps (dualisme). C’est là le fondement de son « Je » (« Je suis, j’existe » dans les Méditations métaphysiques).

Mais cette conception de l’identité personnelle fondée sur la conscience d’être doté d’une âme dont l’essence est de penser pose certains problèmes, notamment parce qu’elle implique une séparation radicale entre l’âme et le corps. Or, il semble délicat de définir l’identité personnelle en occultant toute référence à notre corps.

C) Je sais qui je suis car j’ai conscience de ce que je suis et de ce que j’ai été (le critère de la mémoire)

Pour savoir qui je suis, je peux prendre conscience de ce que je suis dans le présent, mais je peux aussi me référer à ce que j’ai conscience d’avoir été dans le passé. En ce sens, mes souvenirs fondent mon identité car ils me permettent de me distinguer des autres sujets (personne n’a exactement les mêmes souvenirs que moi) et d’établir une continuité entre le « je » passé et le « je » actuel.

Référence : Locke, Essai sur l’entendement humain : le « Moi » (« Self ») peut être défini par la conscience de ce que je suis et de ce que j’ai été (rôle de la mémoire).

Mais la définition que propose Locke de la mémoire est partielle car le champ de la mémoire est bien plus vaste que la conscience de ce que j’ai été. Ma mémoire n’est donc pas suffisante pour fonder mon identité personnelle.

II) Cependant, ces éléments sont fragiles et ne permettent pas vraiment de définir mon identité personnelle

A) Exclusion du critère du corps 

Après avoir insisté sur l’importance d’inclure notre corps dans la définition de ce que nous sommes (cf. I2), on peut remarquer que la référence à notre corps est elle-même trop fragile pour nous définir. Non seulement l’image de notre corps peut être trompeuse, mais notre corps lui-même change sans cesse. Un des phénomènes en jeu est le vieillissement.

Expl : Travail de l’artiste Opalka qui se prend en photo tous les jours pour montrer les effets de l’âge sur son visage.

De plus, l’ensemble de nos cellules est régulièrement renouvelé (notamment par le mécanisme d’apoptose ou suicide cellulaire), si bien que la matière qui compose notre corps change sans cesse.

Une question se pose alors : est-ce que je reste le même, même si la matière qui me  compose a complètement changé ?

Référence : Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain : expérience de pensée du bateau de Thésée : est-ce toujours le bateau de Thésée alors que toutes les planches du bateau ont été changées au cours du temps ?

Enfin, si je me définis par mon corps, je me heurte à la difficulté à trouver une frontière claire entre « le soi » et « le non-soi ». En effet, nous sommes composés de milliards de bactéries (corps vivants étrangers) qui contribuent à notre santé.

Pour toutes ces raisons, il nous faut exclure le critère du corps pour fonder l’identité.

 B) Exclusion du critère de la conscience

Si je me définis par ce que j’ai conscience d’être, je prends le terme « conscience » au sens fort de conscience réflexive. Mais la conscience existe à des degrés différents et ces degrés varient sans cesse. Ma conscience est à un degré minimal quand je dors, pourtant puis-je dire que je suis alors moins moi-même ? Dois-je dire que je suis moins moi-même quand j’agis par automatisme ?

Référence : Bergson, La conscience et la vie : les variations d’intensité de la conscience dépendent de l’attention que nous devons porter à ce que nous faisons. Lorsque nous faisons qqch d’habituel, notre degré de conscience est minimal et nous agissons par automatisme (expl du pianiste virtuose). En revanche, quand un imprévu surgit, le degré de conscience redevient maximal pour nous permettre de faire un choix. En ce sens, la conscience est synonyme de liberté.

Le problème se pose encore plus si l’on fait l’hypothèse qu’il existe en nous un inconscient autonome qui détermine ce que nous sommes et ce que nous faisons. Avec cette hypothèse, la notion même d’identité personnelle est en crise.

Référence : Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse : le « Moi » est entièrement déterminé par des pulsions inconscientes venues du « Ca » et par des interdits intériorisés par le « Surmoi ».

C) Exclusion du critère de la mémoire

Nous sommes en partie ce que nous nous souvenons avoir vécu et été. Mais la mémoire n’est pas absolument fiable pour fonder notre identité.

D’abord parce que nous ne nous souvenons pas de tout. L’oubli est une condition pour notre survie.

Parfois, notre mémoire déforme les faits vécus, et nos souvenirs peuvent changer au cours du temps. Notre mémoire peut même se souvenir de choses qu’elle n’a pas vécues (expl des faux souvenirs).

Elle est donc beaucoup trop fragile pour nous permettre de savoir qui nous sommes vraiment.

D) L’identité personnelle est une illusion

Après avoir exclu tous les critères envisagés pour définir notre identité personnelle, nous devons peut-être admettre qu’il n’existe rien de tel que « le moi », que je ne dis « je » à propos de moi-même que pour me rassurer (facteur psychologique) et pour que les autres me reconnaissent (utilité pour la communication et pour la vie sociale). L’identité personnelle est donc une illusion que je crée et que j’entretiens.

Référence : Hume, Traité de la nature humaine : il n’existe pas de substance qui me permette de définir mon  « je ». L’introspection ne permet pas de découvrir notre pensée pensante, mais seulement une série de perceptions changeantes et instables.

Expl : jeu sur la multiplicité des identités par les écrivains (Rimbaud : « Je est un autre »). Par expl, utilisation de plus de 80 pseudonymes par Pessoa (« Ce que nous sommes ne peut passer ni dans un mot ni dans un livre »).

III) Artificielle ou non, l’identité du moi est indispensable pour fonder la responsabilité de nos actes

A) Le moi est une illusion, mais une illusion nécessaire à la vie

Même s’il n’existe aucune substance qui perdure avec le passage du temps et les changements subis, nous avons besoin de croire que notre « je » est relativement stable et clairement distinct des autres. C’est peut-être une illusion nécessaire.

Référence : Nietzsche, Par delà bien et mal : critique de Descartes qui a tiré des conclusions abusives de sa découverte de la pensée. Selon Nietzsche, Descartes en a beaucoup trop dit en affirmant « je pense ». La seule chose qu’il a en réalité découverte, c’est un processus de pensée en flux perpétuel. Même si c’est une illusion et non une certitude comme l’affirmait Descartes, l’illusion du « moi » est indispensable à la survie des êtres vivants.

B) Il est nécessaire de supposer que nous avons une identité pour que chacun assume la responsabilité de ses actes

Qu’il existe ou non un « moi », il nous est indispensable d’en poser l’existence, pour notre bien-être personnel mais aussi pour le bien-vivre en société. En effet, il serait trop facile de se replier sur l’excuse « ce n’était pas moi » ou « je n’étais pas moi-même » pour se déresponsabiliser.

Référence : Sartre, L’existentialisme est un humanisme : L’homme a tendance à se trouver des excuses et à fuir ses responsabilités car il n’est jamais facile de répondre de ses actes. Cependant, en se déresponsabilisant, il fait preuve de « mauvaise foi ». Or, l’homme est « condamné à être libre », cad qu’il doit, en toutes circonstances, assumer ce qu’il est et ce qu’il fait, et en répondre devant autrui.

En un mot, philosophons!

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